Title: Ecritures de soi et histoires de vie entre personnel et collectif, entre sciences et litt
1Ecritures de soi et histoires de vie entre
personnel et collectif, entre sciences et
littérature
DUHIVIF 11ème session Nantes, le 6 janvier 2013
- Bruno HUBERT,
- Docteur en sciences de léducation
- Formateur Lettres Espe de lAcadémie de Nantes
- Chercheur associé au CREN
- http//brunohuberttravauxderecherche.skynetblogs.b
e/
2Les objectifs
- Quelles différences entre sécrire en littérature
et sécrire en histoires de vie ? - Quelles similitudes ?
- Quelle place pour lautre dans lhistoire de vie
? - Quelle validité scientifique ?
3Plan de la journée
- 1er temps Confrontation entre des textes
littéraires et des écrits dhistoires de vie. - 2ème temps Les répercussions sur le travail en
histoires de vie - 3ème temps Les histoires de vie côté sciences
- 4ème temps Le rôle des autres dans lélaboration
de son histoire
4I. Histoires de vie et littérature
5Quelques textes dAnnie Ernaux à partir du même
événement pour poser notre problématique
- Quelles sont les différentes façons dont Annie
Ernaux se raconte ? - Quels avantages semble-t-elle trouver dans chacun
des cas ? - Quelles similitudes et quelles différences avec
la démarche dhistoire de vie ?
6De nombreux genres littéraires sont des
écritures du moi
- Autobiographie, journaux intimes, autofiction,
mémoires, chroniques, carnets - Certains romans sont des réécritures de la
vie de leur auteur.
7Distinction entre fiction et narration
- Pour envisager les textes narratifs, il faut
distinguer fiction et narration - La fiction répond à la question Quest-ce qui
est raconté ? - La fiction, cest
- Une intrigue
- Des personnages
- Un cadre spatial
- Un cadre temporel
- La narration répond à la question Comment
est-ce raconté ?
8Texte narratif et récit
- Le texte narratif rapporte des événements réels
ou fictifs et se déroule dans le temps. Cest
lhistoire dune transformation le temps passe
même si rien ne change. - Derrière lappellation texte narratif se
cachent toute une série de récits - Le mythe gt Texte fabuleux qui appartient au
merveilleux antique - La légende gt Récit à caractère merveilleux où les
faits historiques sont transformés par
limagination populaire. - La chronique gt Recueil de faits historiques
- Le roman gt Œuvre dimagination en prose
- La nouvelle gt Récit bref avec peu de personnages
- Le conte gt Récit de faits imaginaires
- La fable gt Petit récit en vers ou en prose
destiné à illustrer un précepte - La biographie gt Récit de la vie dune personne
- Lautobiographie gt Récit de sa propre vie
- On peut retrouver du texte narratif dans des
textes hybrides, qui ne sont pas que des récits gt
Ex Le journal
9Autofiction
- Quand le héros dun roman déclaré tel a le même
nom que lauteur. (Lejeune) - Lautofiction cumule deux pactes en principe
incompatibles. Cet un récit fondé, comme
lautobiographie, sur lidentité nominale de
lauteur, du narrateur et du personnage, mais qui
se réclame de la fiction, du genre romanesque. - La fiction devient ici loutil affiché dune
quête identitaire.
10Auteur et narrateur
- Lauteur est la personne réelle qui vit en un
lieu et une époque donnés et qui crée une œuvre. - Le narrateur est celui qui raconte le récit. Il
peut être représenté (cest un personnage que
lauteur présente explicitement ) ou pas. - Dans lart du récit, le narrateur nest jamais
lauteur, mais un rôle inventé par lauteur.
(Kayser, 71) - Le narrateur est lui-même un rôle fictif
(Genette 1972, 226)
11Le narrateur est un autre
- Les écrivains ont souvent tenu à distinguer deux
Moi un Moi social et un Moi Créateur. - Le livre est le produit dun autre que celui
que nous manifestons dans nos habitudes, dans la
société, dans nos vies. Proust, Contre
Sainte-Beuve - Il y a dans ma vie une grande rupture entre
moi et lhomme qui écrit les livres. Dans ma vie,
je sais à peu près ce que je fais mais, quand
jécris, je sus tout à fait perdu et je ne sais
pas doù viennent ces histoires. - Paul Auster, entretien publié dans Le Monde le
26/07/1991
12Fiction et réalité
- Touts les faits présentés dans une fiction ne
sont pas nécessairement imaginaires. - Même si les événements ou les personnages sont
imaginaires, ils ne doivent pas pour autant être
irréels (sauf genres particuliers comme contes et
fantastique). Pour quune fiction fonctionne, il
faut quelle crée un effet de réel, que le
lecteur puisse croire, pendant un temps limité,
que ces faits sont possibles.
13Ecriture et réalité
- Lécriture enclenche sa part de fiction. Pour
Ricœur, la parole développe une fiction
projection des mondes internes. - Entreprise de re-composition, de refiguration
(Paul Ricœur) - Alex Lainé sappuie sur le préfixe grec meta
(d'abord ce qui vient après, derrière, puis, par
extension, ce qui est au fondement, au principe
même des choses), peut-être aussi ce qui est
au-delà, pour déterminer le processus des
histoires de vie.
14Un exemple le cahier de maternelle de Lucie
- Contextualisation de la recherche
- Extrait de lentretien
- Donc je pense que je me rappelle de choses que
jai dû manipuler. Parce que sinon jai pas de
souvenirs avec qui je lai fait, quand je sais
pas Et cette activité, donc cétait coller
létiquette bonjour bonsoir sous des bons
dessins jai limpression, je sais pas si cest
vrai, que je lai ramenée peut-être à la maison,
que je lai refait chez moi, jai dû en décoller
certaines, en recoller, enfin je sais pas
exactement et peut-être ce qui ma marquée cest
le fait que jai pas tout bon du premier coup.
Parce quen général, enfin, javais des bonnes
appréciations, donc là du coup cest peut-être ce
qui ma marquée que je réussisse pas du premier
coup. Parce que là je vois je pense que ça été
décollé.
15Le récit projection plus profonde du monde de la
vie
- Combler les vides de la mémoire pour inventer son
histoire - Pas la réalité mais une reconstruction
- Lucie se met en intrigue en même temps
quelle raconte son histoire à partir de sa
trace, elle contribue à remodeler son identité en
même temps que les contours de laction Cest
plus précisément la fonction sélective du récit
qui offre à la manipulation loccasion et les
moyens dune stratégie rusée qui consiste
demblée en une stratégie de loubli autant que
de la remémoration. (Ricœur)
16Fiction et autobiographie
- Dun point de vue narratologique, rien ne permet
de faire la différence entre un récit de fiction
à la première personne et un récit
autobiographique, dans la mesure où lun simule
lautre. - Leur différence ne tient quau statut de celui
qui dit je . - Dans une autobiographie, je est un locuteur réel.
Il est reconnu comme tel grâce à un pacte
autobiographique . (P. Lejeune) qui assure sur
la couverture ou au début du texte lidentité de
lauteur, du narrateur et du personnage. - Dans la fiction, le pacte autobiographique se
double dun pacte fictionnel qui consiste
précisément à changer de nom.
17Le début de Biographie de la faim dAmélie
Nothomb
- Quel est le pacte que Nathalie Nothomb conclut
avec son lecteur en ce début de roman ? - Expliquez le choix de lécrivaine au niveau de la
narration. - Montrez que le style de lécriture la définit
autant que ses propos.
18Petite situation décriture
19De la fiction à la narration
- Fait divers
- Pendant que sa maman discutait avec sa mamie, la
petite Gaïa, 2 ans et demi, sest dirigé vers la
rue pour rejoindre son père. Quand celui-ci la
vue qui allait traverser, il a couru sans hésiter
et sest fait renverser par une voiture. Après
observation à lhôpital, ses blessures seraient
sans gravité. - Inventer une narration reprenant ce fait divers.
20II. Les répercussions sur le travail en histoire
de vie
- Lexemple dune recherche réalisée avec des
professeurs des écoles
21Considérer les récits comme des textes littéraires
- Laisser le temps au récit de se mettre en scène
comme récit sans trop vite plaquer du commentaire
réflexif. - Réagir dabord comme un lecteur dun texte
littéraire. - Donner ses premières impressions, ses premières
émotions en tant que lecteur. - Sintéresser au vocabulaire employé, aux champs
lexicaux, aux pronoms, au rythme des phrases, aux
répétitions, aux oublis
22Un protocole de recherche avec des professeurs
- Chacun choisit un moment précis de son activité
de classe qui lui a posé question, où il a été
mal à laise, où il sest senti particulièrement
heureux et en fait le récit de manière à ce que
le lecteur puisse imaginer la scène. - Une des consignes pour cette écriture, cest de
différer tout commentaire, ce qui favorise un
temps de suspension du jugement propice à
lanalyse. - Echange avec un pair celui de son choix
qui est chargé de le recevoir dabord comme un
texte à lire. - Parallèlement, il est aussi possible pour
létudiant de solliciter lanimateur afin quil
effectue le même travail de lecture de texte. - Deuxième écriture
- A partir des questions, le sujet sattachera à
mettre en évidence des savoirs professionnels
mobilisables, aussi bien du côté de lidentité
personnelle que sur les plans pédagogiques,
didactiques, relationnels,
23Lexemple dAurélie
- La sonnerie retentit. La récréation du matin
s'achève et les cris dans le couloir remplacent
le chant mélodieux des oiseaux. Une voix d'adulte
tente d'imposer le silence mais en vain. Les
enfants entrent dans la salle de classe en
bavardant. En coulisse, la comédienne s'active.
Elle s'empare de son texte puis monte sur scène
anxieuse de savoir comment son public va réagir. - Je leur adresse le rituel Hello, how are you
today ? et des réponses enthousiastes fusent de
tout côté ça y est, le show est lancé ! Avant
leur entrée en classe, j'avais pris soin de
disposer une étiquette en rapport avec les jours
de la semaine et les mois de l'année sur chacun
de leur bureau. Chacun leur tour ils doivent
venir coller leur étiquette au tableau pour
remettre les jours et les mois dans l'ordre. Je
redoute assez ce moment car j'ai peur que les
élèves ne soient pas assez réactifs et que le
fait de se déplacer les fasse se dissiper encore
plus - Pourtant, les enfants se lèvent les uns après
les autres d'un pas léger et dans un calme
presque religieux ils deviennent à leur tour
acteurs. Ils répètent les mots de façon joyeuse
et les jours et les mois se succèdent comme par
magie.
24- Les rituels ainsi terminés, je commence à entrer
dans le vif du sujet à l'aide de flashcards sur
les animaux. Je montre les illustrations aux
élèves et sollicite ceux qui en connaissent déjà
le nom pour qu'ils puissent partager leur savoir
avec les autres puis le groupe répète en choeur. - Ensuite j'ai décidé de travailler avec les
élèves sur les équivalents anglais de certaines
expressions idiomatiques françaises en lien avec
les animaux. J'ai choisi d'entrer dans le sujet
par le biais d'illustrations pour que cela soit
plus abordable pour les élèves. Je passe donc
parmi eux avec des flashcards représentant des
expressions idiomatiques françaises et ils
doivent deviner de quelle expression il s'agit et
essayer de se rappeler de son sens. Le brouhaha
s'installe dans la salle et le public se dissipe
mais l'actrice lutte pour retrouver un calme
raisonnable. Cet équilibre est difficile à
atteindre mais la tranquillité revient peu à peu
laissant place à une sorte de ritournelle
mélodieuse Oui Lynda ? , Je t'écoute Théo.
, Tu as une idée Fabien ? , Vas-y Flora .
Je suis ravie de voir qu'ils s'intéressent
autant à ce que j'ai prévu et c'est avec une
certaine frustration que je me vois obligée de
mettre fin à l'activité. - Quelques heures plus tard, elle demande un peu
de silence dans le groupe et l'un de ses membres
lui répond Quand les poules auront des dents
.
25Vers une écriture littéraire
- Aurélie se livre à ce que Catherine Tauveron
(2009) appelle une fictionnalisation du réel. - Labsence de commentaires immédiats rend la
re-présentation et la différance possibles.
(Derrida,1968) - Ouvre des voies nouvelles de compréhension et
de traitement des contraintes qui agissent
(Giust-Desprairies, 2005)
26Une des remarques dun lecteur du texte
- Ce qui me frappe, derrière le parti pris du
théâtre que tu as pris dans ta narration, c'est
le champ lexical du religieux outre le silence
(d'ailleurs il y a aussi beaucoup de mentions en
rapport avec l'ouïe), "rituel", "au plus profond
de moi", "un calme presque religieux", "Ils
répètent les mots de façon joyeuse et les jours
et les mois se succèdent comme par magie",
"puissent partager leur savoir avec les autres
puis le groupe répète en choeur", "une sorte de
ritournelle mélodieuse" , "Je suis alors
heureuse" , "Elle semble néanmoins apaisée."
27- Cette mention de ce champ lexical du religieux
surprend à première vue Aurélie or la démarche
scientifique commence par un étonnement
indispensable nécessaire à la construction du
problème (Fabre, 2011). - La fictionnalisation de lactivité permet à
Aurélie de dépasser le simple compte rendu de sa
séance qui a globalement bien fonctionné et qui
constitue pour elle un vécu agréable.
28Se rendre compte
- Cest toute seule quAurélie se rend compte des
limites que peuvent avoir ses fonctionnements à
partir de la médiation du texte produit. - La fiction comme une sorte despace
transitionnel (Winnicott, 1990, p.140-141), cette
zone intermédiaire entre le sujet et la réalité
objective (Cros, 2011)
29Un court extrait du deuxième écrit dEmilie
- Cette volonté de prendre de la distance pour
me protéger sur le plan émotionnel semble assez
inefficace de par ma conception de la situation
denseignement qui transparaît au travers du
champ lexical du religieux. Ce champ lexical est
en effet récurrent dans mon écriture narrative,
ce qui est source détonnement pour moi qui nai
pas de croyance religieuse particulière. Ma façon
de concevoir la situation denseignement, tout du
moins en langue étrangère, sapparente à un état
de communion entre les élèves et lenseignant
dont je navais pas jusqualors pris conscience.
Elle paraît être fondée sur un partage ritualisé
du savoir et cette conception est certainement
liée à une sacralisation de la matière de ma
part. Jaccorde effectivement une importance
toute particulière à langlais qui est ma
spécialité et je désire transmettre mon amour
pour cette langue à mes élèves. Au fil de
lécriture narrative, on sent quune relation
particulière sinstalle entre eux et moi mon
enthousiasme semble nourrir celui des élèves et
vice versa.
30III Les histoires de vie côté sciences
31Récit de vie et histoire de vie
- Le récit de vie est un moment dans le
processus de production d'une histoire de vie.
C'est celui de lénonciation orale et/ou écrite
de sa vie passée par le narrateur. Lhistoire de
vie commence pleinement avec le travail de ce
matériau, le repérage des structures selon
lesquelles la vie et le récit peuvent être
organisés, la mise au jour du sens dont la vie et
le récit sont porteurs. Alex Lainé - Jean-Louis le Grand conteste cette
différenciation récit de vie histoire de
vie , lhistoire samorçant pour lui dès la mise
en récit. - Il distingue les termes histoire et
passé , lhistoire apparaissant un procédé de
connaissance de ce passé opaque et pourtant bien
réel. Il insiste ainsi sur la dimension de
construction interactive qui caractérise
lhistoire de vie, à la fois regard dun présent
sur un passé, représentation dune mémoire face à
un interlocuteur, adaptation orale ou écrite
fonction des destinataires, construction qui ne
saurait se figer dans une vérité définitive, mais
qui constitue un processus à jamais inachevé.
32La question de la prise de concience
- Mot latin conscientia gt cum scientia avec
savoir, connaissance - Suggère la connaissance de lobjet par le sujet
- Le fait de se rendre compte, de comprendre
- La conscience est lorganisation dynamique et
personnelle de la vie psychique elle est cette
modalité de lêtre psychique par quoi il
sinstitue comme sujet de sa connaissance et
auteur de son propre monde. Lêtre et le devenir
conscients constituent donc tout à la fois la
forme de lexpérience du sujet et la direction de
son existence. Henri Ey, psychiatre français - La conscience est la connaissance de notre propre
existence et la capacité de réfléchir sur
soi.
33- Le cum latin suggère lidée dun
accompagnement. Par la conscience, une
représentation du monde maccompagne. - Etre conscient cest donc disposer dun modèle
personnel de son monde - Henri Ey, psychiatre français,
34Pour la philosophie
- La conscience est ce qui me place en position de
sujet (sentiment de mon existence). - La conscience est lintuition qua lesprit de
ses états et de ses actes. Elle peut être
immédiate et réfléchie Dictionnaire de
philosophie de Lalande - Les philosophes accordent à la conscience une
place centrale - Socrate ( Connais toi toi-même )
- Quest-ce donc que je suis ? Une chose qui
pense. Quest-ce que cela ? Cest bien une chose
qui doute, qui connaît, qui affirme, qui nie, qui
veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi et qui
sent . (Descartes, Méditations métaphysiques 2) - Dualité corps âme Les sens trompeurs côté corps
La pensée rationnelle côté âme
35- Kant La conscience de ma propre existence est
en même temps une conscience immédiate dautres
choses hors de moi. ( Critique de la raison
pure, Critique de la raison pratique, Critique de
la faculté de juger). Unique interrogation
Quest-ce que lhomme ? - Kant distingue le phénomène (lobjet tel quil
apparaît) du noumène (lobjet tel quil est). En
science, on ne peut connaître que des phénomènes,
le noumène nous échappe toujours. - Pour Kant, le sujet est un être moral, c. à d. un
individu qui sinterroge sur les valeurs qui
doivent guider son action. Le sujet doit se
demander comment il doit agir dans la vie. gt
respect de lautre.
36- Hegel (1770-1831) se demandera comment lhomme
acquiert la conscience de lui même. - Lhomme existe au même titre que les choses de la
nature mais existe aussi pour soi. - Sartre
- La conscience est immédiatement en prise avec le
réel. Connaître, cest séclater
vers, sarracher à la moite intimité gastrique
pour filer là-bas, par-delà soi, vers ce qui
nest pas soi (Situation, I). - Mais la conscience est toujours en même temps
conscience de soi cest-à-dire quelle est
toujours à la fois conscience de quelque chose et
conscience de cette saisie elle-même (sinon on
aurait conscience des choses sans en être
conscient, ce qui est absurde). Lorsque je
réfléchis à quelque chose, je sais que jy
réfléchis, sans que cela signifie que je
réfléchisse au fait que je réfléchis, auquel cas
on ne pourrait jamais penser à rien ! Lobjet
apparaît toujours à une conscience qui elle-même
est présence à soi irréfléchie.
37- Limagination
- Perception et imagination sont deux actes
différents de la conscience, deux manières de se
rapporter à une même chose, une fois comme
présente, une fois comme absente. - Limagination ne nous apprend rien que nous ne
sachions déjà. Limaginaire peut même être une
sorte de conduite de fuite à légard du réel, un
jeu auquel on se prend. - Lémotivité
- Aussi une manière pour la conscience de se
rapporter au monde. Cest la conscience, toujours
complice, qui se fait conscience émue. Nous
ninventons pas nos émotions, mais cest nous qui
décidons de nous y abandonner, de faire comme si
elles nous submergeaient. - gt expression je me mets en colère
- Face à un monde hostile, dans une situation où
lon perd prise, se laisser aller à lémotion
peut être une conduite de fuite
lévanouissement, le trépignement, la colère sont
des manières de faire disparaître magiquement
le monde. Il est toujours possible dadopter une
autre attitude. Pour Sartre, la conscience se
raconte des histoires, et derrière toute
prétendue fatalité il y a une complaisance.
38Pour la neurologie
- La conscience serait le centre récepteur et
émetteur terminal de lensemble des réseaux
communicants ramifiés qui animent lenvironnement
extérieur de lhomme, captant et traitant
également les informations émises par ce dernier
pour agir, réagir ou rétroagir sur son propre
développement en le motivant et en dégageant sa
substance. - Même si on localise de mieux en mieux les aires
visuelles, auditives, les aires du langage,
quelque chose échappe à toute représentation en
termes de neurones. - John Carew Eccles, prix nobel de médecine en 1964
- Les découvertes neurologiques ne sopposent pas à
lexistence dune conscience indépendante du
cerveau. Seulement, celle-ci ne serait pas séparé
du corps, elle interviendrait sur les
constituants des synapses du cerveau pour
influencer les événements en cours. En physique
quantique des influences de ce type sans violer
les lois de la matière et de lénergie
39Pour la psychanalyse
- De tout temps les hommes savaient que
quelque chose naccède pas à la qualité
prédicative dêtre conscient, c. à d. reste
réfractaire à la libre disposition du sujet. - Ce que Freud a observé, cest quà lintérieur
de chacun, il y a quelque chose qui se trouve
séquestré par leffet du refoulement gt
inconscient.
40Jeu réciproque conscient-inconscient
- Ambigu?té dans la thèse freudienne sur la
séparation radicale de linconscient, son
autonomie et son omnipotence. Dun côté un maître
absolu du psychisme, de lautre la censure qui en
refoulant les pulsions constituent linconscient
(et seul lassouplissement de cette censure
permet de faire admettre dans la conscience ce
qui était exclue). - Il convient plutôt de dire que lêtre et le
devenir conscients constituent la forme
dorganisation de lêtre psychique qui dépend de
lorganisation même de linconscient, comme
celui-ci dépend de celui-là.
41Lexemple de Charline qui a apporté un cahier de
géométrie
- Charline dit quelle ne sait pas pourquoi elle a
choisi un cahier de géométrie et pourtant elle
lexplique parfaitement - Une figure géométrique, cest propre, cest
bien carré, les angles droits sont droits, les
traits sont tracés à la règle, cest chouette - Elle insiste aussi sur lexhaustivité du travail
effectué avec son enseignant de C.M.1, C.M.2 sur
la deuxième guerre mondiale Pendant deux ans
je me souviens C.M.1 C.M.2 on a travaillé sur la
seconde guerre mondiale avec un intervenant qui
venait toutes les semaines On na échappé à
rien on a vu des documentaires, on a lu des
poèmes, on lu des articles, on a fait plein de
choses. Tout ce travail avait abouti à une
exposition et on avait donc appris Le Chant des
partisans, Nuit et brouillard, des choses comme
ça, et on avait présenté cela devant les parents,
la presse locale et pis la maman de
lintervenante avait été déportéé à Auschwitz,
donc ben cétait costaud quand même et on nous
avait pas épargnés pourtant en C.M.1 on nest
quand même pas bien vieux et ça ma pas
traumatisée, au contraire depuis ça ma toujours
intéressée.
42Ce que Charline écrit après coup
- Cela ma permis de me replonger dans mes cahiers
avec beaucoup de plaisir et de nostalgie. Jai à
la fois pu faire remonter à la surface quelques
souvenirs (uniquement les bons) et pu prendre un
peu de recul sur le travail que je pouvais faire
à lépoque, cest-à-dire comparer ce quon
faisait à lépoque avec ce quon fait aujourdhui
à lécole. Cependant jai pu remarquer que mes
souvenirs de lécole (ceux dont je parviens à me
remémorer) sont liés à ceux plus personnels. En
effet en regardant mes cahiers je nai réussi à
faire remonter aucun souvenir avant le divorce de
mes parents, ou plus précisément avant que je
change décole à 7 ans. - A écouter les autres récits je me suis rendu
compte à quel point cela me plaisait lécole.
Que les souvenirs soient bons ou mauvais ils ont
tous laissé une trace et déterminent en partie ce
que nous sommes aujourdhui, notamment en tant
quenseignants. - Et je ne sais pas pourquoi mais je nai aucun
mauvais souvenir de lécole. Mais suite à un
travail sur moi javais déjà pu me rendre compte
que jai effacé de ma mémoire (ou enfoui) tout un
tas dévénements pénibles ou douloureux en
particulier dans ma vie personnelle.
43- dans toute relation dinterlocution, léchangé
nest pas réductible au dit puisque léchangé
implique autant lentendu que le dit et que
lentendu est toujours autre (mal-entendu,
autrement entendu) que le dit. - BERTON Jacques, Démarche clinique et formation
initiale des éducateurs spécialisés, thèse
Université Paris VIII, p. 94
44Sentir pour comprendre
- Régis Malet, à la suite de Merleau-Ponty,
considère que le sujet sappuie alors sur des
mondes acquis, cest-à-dire cette sorte de
reconnaissance tacite entre moi et le monde qui
fait que je nai jamais besoin dexpliciter ce
qui lautorise pour la comprendre . - La connaissance que le sujet a du monde nest pas
pensée mais vécue, elle est médiatisée par
lexpérience de son corps, cest ce que Paul
Ricœur appelle la conscience subjective et Régis
Malet lexpérience syncrétique (connaissance
phénoménale).
45Mettre en mots les sensations
- Lécriture de sa vie ne peut se contenter de
livrer une analyse qui contribue à
l'intelligence du réel. Elle réclame de
restituer par des mots des sensations et des
émotions restées gravés dans la mémoire. - Dominice Pierre, Josso Marie-Christine, Monbaron
Jacqueline, Müller Ronald, Donner une place au
sensible pour penser la formation , Education
permanente, n142, 2001
46Insight
- Cette prise de conscience soudaine sapparente à
une révélation, une évidence comme le fait dy
voir clair, alors que la seconde davant tout
semblait confus. - (en anglais, Insight voir de lintérieur)
- Parfois un simple mot, une lecture, une
rencontre, ou encore un événement plus radical
(accident) qui sont à lorigine du déclic
47Lintuition comme un déclic
- Mohammed Melyani sappuyant sur linsight de
la psychologie de la forme qui permet la
résolution des problèmes pratiques, théoriques et
théologiques - Importance de lintuition pour saisir le
sens des expériences ou des situations. Il
présente lintuition comme un déclic, un
flash qui est, avant le discours, saisie de
lessentiel par le cœur ou laffect -
- Lintuition nest pas la prise de conscience.
Cest un savoir qui est là, présent, mais pas
forcément exploité. Quand lintuition ou les
intuitions reviennent dans la conscience, il y a
prise de conscience. Ce qui compte, cest dêtre
en chemin. Même si certaines vérités font mal, il
y a un temps pour les apercevoir, les discerner
et les accepter. -
- Lintuition assure quelque part la reprise de
linitiative du sujet sur la passivité des
impressions sensibles. - Melyani Mohammed Expérience autoformatrice et
intuition créatrice
48IV. Le rôle des autres dans lélaboration de son
histoire
49Un exemple tiré dune autre recherche
- Faire de sa vie une fiction Des migrations en
écriture avec des enfants décole élémentaire - Sur feuille, extrait de lentretien avec Jérémie
50Le détour par les autres
- La démarche dappropriation de son histoire
passe par le détour compréhensif de lautre et la
mise à distance de soi même. - DELORY-MOMBERGER Christine, De linvention de
soi au projet de formation, p. 268 - A lécoute du groupe, je me suis réellement
retrouvée dans certaines situations (Marie,
Sylvie). (Laure) - Cette situation permet de se rendre compte des
différents regards que lon peut avoir. Je me
suis parfois retrouvée dans ce que disaient
certaines personnes qui présentaient pourtant un
autre regard que moi. (Marie).
51- Lautre, à condition quil soit reconnu comme un
semblable, favorise le dédoublement, souvent par
sa seule attention bienveillante. - Il incarne la mise en question, agit comme un
médiateur du sujet avec lui-même. - Sa proximité cautionne les interrogations et
valide la situation de formation.
52- En dessinant, par son récit, ce que
jidentifierai comme une zone de présence et de
signification de son activité, le narrateur-héros
de son histoire invite les écoutants à y inscrire
leur propre parole parce que le récit des
autres leur parle deux-mêmes tout en ménageant
leur propre intimité. - MALET Régis in BLIEZ-SULLEROT Nicole et MEVEL
Yannick, Récits de vie en formation, Lexemple
des enseignants, p. 11
53Limportance de la conversation
- Laura Formenti sappuie sur létymologie (cum
versari rôder, errer avec quelquun, fréquenter
quelquun) pour insister sur limportance de la
conversation comme ouverture à dautres
possibles dans la formation autobiographique.
FORMENTI Laura, La com-position dans/de
lautobiographie , Pratiques de formation n55 - Cette discussion ma fait prendre conscience
de limpact de notre vécu scolaire sur nos
pratiques denseignement. (Séverine) - Après lécoute de ces différentes discussions,
il mapparaît plus évident que la trace a un
impact important dans lhistoire de chacun.
(Sabrina) - Ces discussions mont fait réfléchir au rôle de
la trace écrite à lécole (José).
54La place de laccompagnant
- Comme le souligne Catherine Clénet
( Laccompagnement de lautoformation
expérientielle ), il importe, de passer de
lintention et de lincitation du côté de
laccompagnant à laction volontaire du côté de
laccompagné. - Il convient de mettre en œuvre cette bascule par
la relation dans ses deux dimensions
interpersonnelle et dialogique. - La première sinscrirait dans une double
dialectique constituée chacune de deux axes
laxe de la croyance/espoir avec celui de la
confiance/respect lautre croiserait laxe
proximité/distance à celui de limplication/neutra
lité. - Un certain temps pour établir une relation
interpersonnelle favorable est nécessaire - Pour que laccompagnement encourage le
questionnement et favorise la réflexivité,
celui-ci doit osciller, entre lincitation et une
position de retrait, découte active, de discret
feed-back, posture qui nimpose pas
lexplicitation mais permet lexploration des
possibles par le sujet. - gt numéro déquilibrisme
55Une recherche sur les groupes musicauxLexemple
de C., 46 ans - F
- Un jour, le chef de cette harmonie qui avait un
fort charisme nous a dit Les filles , je vais
vous apprendre à jouer de la musique.
Personnellement, je ny croyais pas beaucoup car
je pensais quil était trop tard et que
lenseignement musical était très rigide et
austère mais jai quand même tenté. Nous avons eu
la chance dapprendre dans une école de musique
associative qui ne sanctionnait pas avec des
examens et avec ce chef qui a été dune patience
formidable.() Au bout de quelques années jai pu
intégrer lharmonie et jai tout de suite été
plongée dans leffervescence du groupe car il y
eut lenregistrement dun CD cette année-là.( )
RECIT AU PASSE - Quelques vingt années plus tard je ne regrette
PRESENT DENONCIATION vraiment pas. Le vendredi
soir, il y a le côté musical mais il y a aussi le
côté convivial (on boit un coup) après la
répétition. Cest à ce moment là que se nouent
les relations entre musiciens, tout le monde
discute avec tout le monde avec un mélange des
générations et des milieux sociaux et
professionnels. () Je crois que pour jouer de la
musique ensemble il ne faut pas faire que jouer
de la musique ensemble PRESENT DE VERITE GENERALE
car nos prestations seraient sans doute plus
ternes et moins dynamiques. Quand on joue de la
musique, il faut apprendre à écouter les autres
car sinon on risque le bug si on ne démarre pas
au bon moment. Cest un exercice difficile mais
sans aucun doute très formateur qui permet de
développer un certain état desprit dans la vie
au quotidien.
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