Title: LA STRATEGIE EUROPEENNE DE DEFENSE DE LA MARQUE
1LA STRATEGIE EUROPEENNE DE DEFENSE DE LA MARQUE
- du jeu de dames au jeu déchecs
Jean-Jo Evrard avocat aux barreaux de Bruxelles
et de Paris chargé de cours à la Faculté de droit
de Lille 2 e-mail jeanjo.evrard_at_nautadutilh.com
2PLAN
- I. INTRODUCTION
- II. LAVENEMENT DE LA MARQUE COMMUNAUTAIRE
LES NOUVELLES REGLES DE COMPETENCE ET DE
PROCEDURE - III. LEMERGENCE DUNE JURISPRUDENCE EUROPEENNE
- IV. CONCLUSIONS
3I. INTRODUCTION
- TROIS PERIODES DANS LHISTOIRE RECENTE DU DROIT
DES MARQUES - avant le 31 décembre 1992,
- date ultime de la transposition en droit
interne de la directive dharmonisation. - entre le 1 janvier 1993 et le 1 avril 1996, date
dentrée en vigueur du règlement sur la
marque communautaire ( RMC ). - depuis le 1 avril 1996.
4AVANT LE 31 DECEMBRE 1992
- Lois nationales différentes.
- Procédures nationales parallèles nayant aucune
incidence entre elles.
5ENTRE LE 1 JANVIER 1993 ET LE 1 AVRIL 1996
- Lois nationales harmonisées
- ou à tout le moins, à défaut de transposition
de la directive, obligation dinterpréter les
lois nationales à la lumière de la directive. - Les procédures restent nationales
- - pas de jugements ayant une portée
extra-territoriale (contrairement à ce qui
passe en matière de brevets européens -
jurisprudence néerlandaise) - - tendance toutefois à la centralisation du
contentieux dans quelques pays - technique de - l encerclement .
6DEPUIS LE 1 AVRIL 1996
- Deux événements majeurs
- A. Succès extraordinaire de la marque
communautaire
- 3 nouveaux types de conflits
- - marque nationale contre marque communautaire
- - marque communautaire contre marque
communautaire - - marque communautaire contre marque nationale.
7- Le RMC prévoit des règles spécifiques en matière
de compétence et de procédure qui diffèrent
sensiblement des règles existantes dans les
droits nationaux.
- Ces règles doivent être prises en compte par les
titulaires de marques communautaires ou
nationales qui sont en conflit avec des marques
communautaires, soit comme demandeurs, soit comme
défendeurs.
- Elles commandent davoir de nouvelles visions de
la stratégie de défense de la marque.
8- B. Emergence dune jurisprudence européenne
- Jurisprudence communautaire
-
- OHMI - tribunal de première instance des
Communautés européennes - Cour de justice des
Communautés européennes.
9- Jurisprudences nationales
- qui sont dun intérêt européen
- - elles interprètent les mêmes dispositions de
fond que la jurisprudence communautaire. - - une cour de cassation unique la Cour de
justice des Communautés européennes statuant à
titre préjudiciel. - Grâce notamment à Internet, cette jurisprudence
européenne est, - en grande partie, facilement accessible.
10I. INTRODUCTION II. LAVENEMENT DE LA MARQUE
COMMUNAUTAIRE LES NOUVELLES REGLES DE
COMPETENCE ET DE PROCEDUREIII. LEMERGENCE
DUNE VERITABLE JURISPRUDENCE EUROPENNEIV.
CONCLUSIONS
111ère règleCentralisation du contentieux de
lopposition et du contentieux de la nullité de
la marque communautaire auprès de lOHMI
- Seule exception
- Possibilité pour les tribunaux des marques
communautaires de statuer sur une demande de
nullité de marque communautaire formée à titre
reconventionnel étant précisé que le tribunal
peut, à la demande du titulaire, surseoir à
statuer et inviter le défendeur à introduire une
action auprès de lOHMI (art. 96 RMC).
12- La procédure dopposition a une importance
beaucoup plus - grande quen droit national.
- Si on perd une opposition, on peut certes
intenter ultérieurement une action en nullité
devant lOHMI, mais les chances de succès dune
telle action seront faibles si du moins lOHMI
fait preuve dun minimum de cohérence. - Par ailleurs, le contentieux de lopposition est
susceptible de donner lieu à des arrêts du
tribunal de première instance et de la Cour de
Justice des Communautés européennes dont
limportance néchappe à personne.
13Conséquences Il ne faut donc pas avoir le
réflexe de lopposition et engager des
oppositions à la légère.Si les chances de
succès napparaissent pas grandes, il est
préférable de ne pas faire opposition et
dattaquer plutôt en contrefaçon dans un Etat où
les chances de succès sont meilleures.Exemple
marque renommée nationale contre marque
communautaire
142ème règle
Séparation du contentieux de la nullité et de
celui de la contrefaçon de la marque communautaire
- Action en nullité dune marque communautaire
OHMI. - Action en contrefaçon dirigée contre une marque
communautaire - le demandeur est titulaire dune marque
communautaire - - tribunal compétent tribunal des marques
communautaires -
- le demandeur est titulaire dune marque
nationale - - tribunal compétent tribunal désigné par
la loi nationale.
15- Si lon intente les deux actions, la première est
très importante pour deux raisons - elle paralysera la seconde en vertu de la règle
de la litispendance le tribunal des marques
communautaires ou lOHMI, selon le cas,
surseoiront à statuer sauf sil existe des
raisons particulières de poursuivre la procédure
. - (art. 100 RMC)
- le jugement rendu dans la première affaire aura
autorité de chose jugée dans la seconde.
16Exemple
- Marque nationale antérieure contre marque
communautaire postérieure - action en nullité devant lOHMI
- action ultérieure en contrefaçon devant le
tribunal de commerce de Bruxelles. - Dans le cadre de cette action, demande
reconventionnelle en nullité de la marque
nationale.
17- Décision de lOHMI
- Sursis à statuer dans lattente du jugement sur
la validité de la marque nationale - Décision du tribunal de commerce de Bruxelles
- Sursis à statuer dans lattente de la décision de
lOHMI - Comment démêler lécheveau
- Le tribunal de commerce doit statuer sur la
demande reconventionnelle puis lOHMI devra
statuer sur laction en nullité et si lOHMI
annule la marque communautaire, le tribunal sera
tenu de faire droit à laction en contrefaçon.
18Conséquences
- Ne jamais intenter daction en nullité avant
laction en contrefaçon à peine de paralyser
celle-ci durant de longues années. - Seule possibilité laction en référé.
193ème règle
- Possibilité pour le titulaire dune marque
communautaire, de faire du forum shopping dans
tous les Etats membres de lUnion européenne
2 catégories de chefs de compétence des
tribunaux
domicile ou établissement lieu de la
contrefaçon - domicile du défendeur - à
défaut, domicile du demandeur - à défaut,
tribunaux espagnols
20Différences du forum shopping communautaire par
rapport au forum shopping national
- En général, en droit national, le demandeur a le
choix entre le tribunal du domicile du défendeur
et celui du lieu de la contrefaçon (Règlement
44/2001 du 22 décembre 2000 - règles nationales
de compétence). - En matière de marques communautaires, le
demandeur peut assigner devant son tribunal même
si un autre tribunal est compétent en vertu du
lieu de la contrefaçon - ex un titulaire français peut assigner en
France une société suisse vendant en Allemagne,
en Angleterre et dans les - pays du Benelux.
21- Le forum shopping européen permet de choisir les
tribunaux en fonction de nombreux critères, tels
que -
- - la langue de la procédure,
- - son coût,
- - sa rapidité
- - son efficacité
- - la situation du marché dans le pays
concerné qui peut - avoir une incidence sur le caractère
distinctif et la - renommée de la marque et par voie de
conséquence, sur létendue de son champ de
protection - alors quen droit national, les seuls critères
sont ceux de la compétence et de la rapidité du
juge. -
224ème règle
- Possibilité pour le titulaire dune marque
communautaire, dobtenir dun tribunal national
des marques communautaires des injonctions ayant
effet dans tous les pays de lUnion européenne
Article 94,1 RMC Un tribunal des marques
communautaires dont la compétence est fondée
sur larticle 93, 1 à 4() est compétent pour
statuer sur les faits de contrefaçon commis ou
menaçant dêtre commis sur le territoire de
tout Etat membre. () critère du domicile de
létablissement
23- Exception apparente
- Article 94,2 RMC
- Un tribunal des marques communautaires dont la
compétence est fondée sur larticle 93, 5(),
est compétent - uniquement pour statuer sur les faits commis ou
menaçant - dêtre commis sur le territoire de lEtat
membre dans lequel - est situé ce tribunal.
- () critère du lieu de la contrefaçon
24- Compétence extra-territoriale des tribunaux des
marques communautaires sils sont amenés à
statuer à l encontre de plusieurs co-défendeurs
établis dans des Etats différents
- Le RMC ne déroge pas à larticle 6, 1 du
Règlement (CE) n 44/2001 du 22 décembre 2000
concernant la compétence judiciaire, la
reconnaissance et lexécution des décisions en
matière civile et commerciale qui dispose que - Cette même personne peut être attraite sil y a
plusieurs défendeurs, devant le tribunal du
domicile de lun deux, à condition que les
demandes soient liées entre elles par un
rapport si étroit quil y a intérêt à les
instruire et à les juger en même temps afin
d éviter des solutions qui pourraient être
inconciliables si les causes étaient jugées
séparément.
25- possibilité dassigner par exemple, devant un
tribunal français, le contrefacteur français
établi en France et les contrefacteurs étrangers
établis dans les autres pays de lUnion
européenne. - Dans ce cas, le tribunal français sera est en
mesure dinterdire la poursuite de la contrefaçon
dans ces autres pays.
26Conséquences des règles 3 et 4
- Quand on est demandeur
- faire preuve dimagination dans le choix du
tribunal. - éviter le complexe de supériorité consistant à
croire que le meilleur tribunal ne peut être que
celui de son propre pays.
- Quand on est défendeur
- être conscient, dans lévaluation des risques, de
celui dêtre entraîné dans des procès devant des
tribunaux exotiques , suivant des procédures
très différentes. - prendre si possible linitiative en intentant
soit une action en constatation de
non-contrefaçon, soit une action en nullité de la
marque communautaire devant lOHMI.
27Laction en constatation de non-contrefaçon
- Article 92 b RMC
- le tribunal des marques communautaires a
compétence exclusive pour les actions en
constatation de non-contrefaçon si la loi
nationale les admet (ce qui est le cas
notamment en Belgique, en Italie et en
Allemagne). - tribunal compétent critère du
domicile/établissement. - un contrefacteur allemand peut assigner un
titulaire suisse en déclaration de
non-contrefaçon en Allemagne même si la - contrefaçon na lieu quen France.
28- Conséquences de lintentement dune action en
constatation de non-contrefaçon - Le titulaire de la marque première ne peut plus
intenter une action en contrefaçon devant un
autre tribunal. Si une telle action est intentée,
il y a litispendance au sens de larticle 27 du
Règlement 44/2001. Le juge second saisi doit
renvoyer laffaire devant le juge premier saisi. -
29 Laction en nullité de la marque communautaire
- Si le défendeur prend linitiative dattaquer la
marque communautaire en nullité devant lOHMI, il
va paralyser toute action ultérieure au fond en
contrefaçon, et ce pendant de longues années
(technique du marécage ). - (Article 100, 1 RMC)
30- Laction en nullité dune marque communautaire
peut être facilitée si lon admet la licéité de
lacquisition de droits antérieurs en vue de
faire échec à une action en contrefaçon. - En principe, le demandeur en nullité ne peut
invoquer que ses propres droits antérieurs - Peut-on acquérir en cours de procès des droits
antérieurs - - soit par cession,
- - soit par licence ?
-
31- La licéité d une telle pratique est à apprécier
selon le droit communautaire. - Les jurisprudences nationales semblent divisées
sur cette question - France
- Allemagne - Benelux (affaire Victor -
arrêt de la cour d appel de Bruxelles du 13
octobre 2000). -
- Si la pratique est jugée licite par la CJCE,
elle fournira de nombreux moyens de défense. En
effet, de nombreux droits antérieurs ne se
manifestent pas lors de la procédure
dopposition. - ex marques non utilisées
- noms commerciaux
325ème règle
- Possibilité pour le titulaire dune marque
communautaire, de demander des mesures
provisoires dans un Etat membre et dagir au fond
dans un autre Etat membre
Article 99,1 RMC Les mesures provisoires et
conservatoires prévues par la loi dun Etat
membre à propos dune marque nationale peuvent
être demandées, à propos dune marque
communautaire , aux autorités judiciaires, y
compris aux tribunaux des marques communautaires
de cet Etat même si,en vertu du présent
règlement, un tribunal des marques communautaires
dun autre Etat membre est compétent pour
connaître du fond.
Article 99,2 RMC Règle identique que pour
laction au fond, en ce qui concerne la portée
extra-territoriale du jugement.
33Conséquences
- Nécessité de connaître les caractéristiques des
procédures de référé nationales. - Différences importantes
- - possibilité dinjonction sur requête
unilatérale (Allemagne, Belgique). - - étendue des pouvoirs des juges de référé
(interdiction de commercialisation, obligation
de retrait du marché, de communication des
clients, etc ).
34I. INTRODUCTIONII. LAVENEMENT DE LA MARQUE
COMMUNAUTAIRE LES NOUVELLES REGLES DE
COMPETENCE ET DE PROCEDUREIII. LEMERGENCE
DUNE JURISPRUDENCE COMMUNAUTAIREIV. CONCLUSIONS
35- Rappel
- Jurisprudence communautaire
- Jurisprudences nationales
- Accessibilité de plus en plus grande, notamment
grâce à l Internet
36- Conséquences de cette situation
- Nécessité de connaître la jurisprudence
communautaire et les jurisprudences nationales
qui forment la jurisprudence européenne. - Obligation de coordonner le contentieux au niveau
européen et déviter de plaider une thèse A
dans un pays et une thèse B dans un autre
pays. - Éviter également de plaider, pour les besoins
dune cause nationale une thèse qui pourrait être
préjudiciable dans un autre pays.
37- Intérêt de connaître le pedigree
jurisprudentiel dun adversaire de manière à
relever ses contradictions éventuelles. - Mettre sur pied des procédures internes
permettant de répondre aux exigences ci-dessus
(ex. création dun Intranet où sont
centralisées toutes les informations utiles).
38I. INTRODUCTIONII. LAVENEMENT DE LA MARQUE
COMMUNAUTAIRE LES NOUVELLES REGLES DE
COMPETENCE ET DE PROCEDUREIII. LEMERGENCE
DUNE JURISPRUDENCE COMMUNAUTAIREIV. CONCLUSIONS
39- Nécessité de gérer la défense de la marque dans
une - perspective européenne tant au plan des
connaissances quà - celui de la stratégie judiciaire.
- Les connaissances
- Acquérir une connaissance européenne de la
matière. - Etre conscient de lapparition de notions
autonomes de droit européen et ne pas saccrocher
désespérément aux certitudes nationales.
40- La stratégie
- Etre audacieux et préférer, dans certains cas, de
porter le litige devant dautres tribunaux que
les tribunaux de son Etat. - Utiliser au mieux les ressources offertes par
certaines procédures nationales de référé. - Lorsquon est défendeur, tenter danticiper, si
possible, laction du demandeur. Comme aux
échecs, le premier coup est important.