Le Bateau ivre se prsente comme une manire de dcrire la marche du pote vers linconnu : dabord le bat - PowerPoint PPT Presentation

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Le Bateau ivre se prsente comme une manire de dcrire la marche du pote vers linconnu : dabord le bat

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Les po mes ainsi r unis l'ont t dans l'Album Zutique, du nom du cercle po tique auquel Rimbaud a activement particip entre octobre 1871 et le printemps 1872. ... – PowerPoint PPT presentation

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Title: Le Bateau ivre se prsente comme une manire de dcrire la marche du pote vers linconnu : dabord le bat


1
Rimbaud un itinéraire dans la langue (6) Le
Voyant (Lettre à Paul Demeny, lAlbum Zutique,
Derniers vers)
  • Le Bateau ivre se présente comme une manière de
    décrire la marche du poète vers linconnu
    dabord le bateau libre, aux amarres rompues,
    puis (jusquà la strophe 17 et ses fulgurances)
    cest lexpérience et le travail du négatif, en
    quoi consiste la recherche de  linconnu , à
    quoi succède léreintement, le regard tourné,
    ironique, vers lancien continent de la poésie,
    tout en confessant navoir, au fond, fait que
    frôler labsolu.
  • Bien des poèmes de Rimbaud marquent cet
    embrasement suivi de la désolation ou de la
    tristesse qui naît dune étreinte trop furtive.
  • Entre mai et décembre 1871 Rimbaud compose un
    ensemble de pièces très longues, outre Le Bateau
    ivre (été 1871)   Lorgie parisienne ou Paris se
    repeuple (mai 1871), Les premières communions
    (juillet 1871).

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Rimbaud un itinéraire dans la langue (6) Le
Voyant (Lettre à Paul Demeny, lAlbum Zutique,
Derniers vers)
  • I
  • Le Prêtre a distingué parmi les catéchistes,
  • Congrégés des Faubourgs ou des Riches Quartiers,
  • Cette petite fille inconnue, aux yeux tristes,
  • Front jaune. Les parents semblent de doux
    portiers.
  • Au grand Jour, le marquant parmi les
    Catéchistes,
  • Dieu fera sur ce front neiger ses bénitiers.
  • III
  • La veille du grand Jour, l'enfant se fait malade.
  • Mieux qu'à l'église haute aux funèbres rumeurs,
  • D'abord le frisson vient, le lit n'étant pas
    fade
  • Un frisson surhumain qui retourne Je meurs...
  • Et, comme un vol d'amour fait à ses surs
    stupides,
  • Elle compte, abattue et les mains sur son cur,
  • Les Anges, les Jésus et ses Vierges nitides
  • Et, calmement, son âme a bu tout son vainqueur.

Les premières communions
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Rimbaud un itinéraire dans la langue (6) Le
Voyant (Lettre à Paul Demeny, lAlbum Zutique,
Derniers vers)
  • ()
  • De la nuit, Vierge-Mère impalpable, qui baigne
  • Tous les jeunes émois de ses silences gris
  • Elle eut soif de la nuit forte où le cur qui
    saigne
  • Écoule sans témoin sa révolte sans cris.
  • Et faisant la victime et la petite épouse,
  • Son étoile la vit, une chandelle aux doigts,
  • Descendre dans la cour où séchait une blouse,
  • Spectre blanc, et lever les spectres noirs des
    toits.
  • VI
  • Elle passa sa nuit sainte dans des latrines.
  • Vers la chandelle, aux trous du toit coulait
    l'air blanc,
  • Et quelque vigne folle aux noirceurs purpurines,
  • En deçà d'une cour voisine s'écroulant.
  • La lucarne faisait un cur de lueur vive
  • Dans la cour où les cieux bas plaquaient d'ors
    vermeils
  • Les vitres les pavés puant l'eau de lessive

4
Lettre du 15 mai à P. Demeny
  •     Voici de la prose sur l'avenir de la poésie
  •    Toute poésie antique aboutit à la poésie
    grecque Vie harmonieuse. De la Grèce au
    mouvement romantique, moyen âge, il y a des
    lettrés, des versificateurs. D'Ennius à
    Théroldus, de Théroldus à Casimir Delavigne, tout
    est prose rimée, un jeu, avachissement et gloire
    d'innombrables générations idiotes Racine est
    le pur, le fort, le grand. On eût soufflé sur
    des rimes, brouillé ses hémistiches, que le Divin
    Sot serait aujourd'hui aussi ignoré que le
    premier venu auteur d'Origines. Après Racine,
    le jeu moisit. Il a duré deux mille ans !
  •      Ni plaisanterie, ni paradoxe. La raison
    m'inspire plus de certitudes sur le sujet que
    n'aurait jamais eu de colères un Jeune-France.
    Du reste, libre aux nouveaux ! d'exécrer les
    ancêtres on est chez soi et l'on a le temps.
  •   On n'a jamais bien jugé le romantisme. Qui
    l'aurait jugé ? les critiques ! ! Les
    romantiques, qui prouvent si bien que la chanson
    est si peu souvent l'uvre, c'est-à-dire la
    pensée chantée et comprise du chanteur ?
  •      Car Je est un autre. Si le cuivre s'éveille
    clairon, il n'y a rien de sa faute. Cela m'est
    évident j'assiste à l'éclosion de ma pensée
    je la regarde, je l'écoute je lance un coup
    d'archet la symphonie fait son remuement dans
    les profondeurs, ou vient d'un bond sur la scène.
  •     

Journal fondé en 1862 par P. Demeny et Albert
Allenet, avec Paul Bourget, Léon Cladel, Jules
Claretie, François Coppée, Alphonse Daudet,
Anatole France, André Gill, Nadar, Leconte de
Lisle, Jean Lorrain, Catulle Mendès, Camille
Pelletan, Sully Prudhomme, Villiers de
l'Isle-Adam, Maurice Barrès, Gérard de Nerval
5
Lettre du 15 mai à P. Demeny
  •     Si les vieux imbéciles n'avaient pas trouvé
    du Moi que la signification fausse, nous
    n'aurions pas à balayer ces millions de
    squelettes qui, depuis un temps infini ! ont
    accumulé les produits de leur intelligence
    borgnesse, en s'en clamant les auteurs !
  •      En Grèce, ai-je dit, vers et lyres rythment
    l'Action. Après, musique et rimes sont jeux,
    délassements. L'étude de ce passé charme les
    curieux plusieurs s'éjouissent à renouveler ces
    antiquités c'est pour eux. L'intelligence
    universelle a toujours jeté ses idées,
    naturellement les hommes ramassaient une partie
    de ces fruits du cerveau  on agissait par, on en
    écrivait des livres telle allait la marche,
    l'homme ne se travaillant pas, n'étant pas encore
    éveillé, ou pas encore dans la plénitude du grand
    songe. Des fonctionnaires, des écrivains
    auteur, créateur, poète, cet homme n'a jamais
    existé !
  •      La première étude de l'homme qui veut être
    poète est sa propre connaissance, entière il
    cherche son âme, il l'inspecte, il la tente,
    l'apprend. Dès qu'il la sait, il doit la
    cultiver, cela semble simple en tout cerveau
    s'accomplit un développement naturel  tant
    d'égoïstes se proclament auteurs il en est bien
    d'autres qui s'attribuent leur progrès
    intellectuel ! Mais il s'agit de faire l'âme
    monstrueuse à l'instar des comprachicos, quoi !
    Imaginez un homme s'implantant et se cultivant
    des verrues sur le visage.      

6
Rimbaud un itinéraire dans la langue (6) Le
Voyant (Lettre à Paul Demeny, lAlbum Zutique,
Derniers vers)
Lettre du 15 mai à P. Demeny
  •      Je dis qu'il faut être voyant, se faire
    voyant.
  •      Le Poète se fait voyant par un long, immense
    et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes
    les formes d'amour, de souffrance, de folie il
    cherche lui-même, il épuise en lui tous les
    poisons, pour n'en garder que les quintessences.
    Ineffable torture où il a besoin de toute la foi,
    de toute la force surhumaine, où il devient entre
    tous le grand malade, le grand criminel, le grand
    maudit, et le suprême Savant ! Car il arrive
    à l'inconnu ! Puisqu'il a cultivé son âme, déjà
    riche, plus qu'aucun ! Il arrive à l'inconnu, et
    quand, affolé, il finirait par perdre
    l'intelligence de ses visions, il les a vues !
    Qu'il crève dans son bondissement par les choses
    inouïes et innombrables viendront d'autres
    horribles travailleurs ils commenceront par les
    horizons où l'autre s'est affaissé !
  • La suite à six minutes   
  •      Ici, j'intercale un second psaume, hors du
    texte veuillez tendre une oreille complaisante,
    et tout le monde sera charmé. J'ai l'archet
    en main, je commence
  • Mes petites amoureuses
  •        

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Rimbaud un itinéraire dans la langue (6) Le
Voyant (Lettre à Paul Demeny, lAlbum Zutique,
Derniers vers)
Lettre du 15 mai à P. Demeny
  • Voilà. Et remarquez bien que, si je ne craignais
    de vous faire débourser plus de 60 c. de port,
    moi pauvre effaré qui, depuis sept mois, n'ai pas
    tenu un seul rond de bronze ! je vous livrerais
    encore mes Amants de Paris, cent hexamètres,
    Monsieur, et ma Mort de Paris, deux cents
    hexamètres !
  • Je reprends
  • Donc le poète est vraiment voleur de feu.
  • Il est chargé de l'humanité, des animaux même
    il devra faire sentir, palper, écouter ses
    inventions si ce qu'il rapporte de là-bas a
    forme, il donne forme si c'est informe, il
    donne de l'informe. Trouver une langue
  • Du reste, toute parole étant idée, le temps
    d'un langage universel viendra ! il faut être
    académicien, plus mort qu'un fossile, pour
    parfaire un dictionnaire, de quelque langue que
    ce soit. Des faibles se mettraient à penser sur
    la première lettre de l'alphabet, qui pourraient
    vite ruer dans la folie !
  • Cette langue sera de l'âme pour l'âme,
    résumant tout, parfums, sons, couleurs, de la
    pensée accrochant la pensée et tirant. Le poète
    définirait la quantité d'inconnu s'éveillant en
    son temps dans l'âme universelle il donnerait
    plus que la formule de sa pensée, que la
    notation de sa marche au Progrès ! Énormité
    devenant norme, absorbée par tous, il serait
    vraiment un multiplicateur de progrès !      

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Rimbaud un itinéraire dans la langue (6) Le
Voyant (Lettre à Paul Demeny, lAlbum Zutique,
Derniers vers)
Lettre du 15 mai à P. Demeny
  • Cet avenir sera matérialiste, vous le voyez
    Toujours pleins du Nombre et de l'Harmonie, ces
    poèmes seront faits pour rester. Au fond, ce
    serait encore un peu la Poésie grecque.
  • L'art éternel aurait ses fonctions comme les
    poètes sont citoyens. La Poésie ne rythmera plus
    l'action elle sera en avant.
  • Ces poètes seront ! Quand sera brisé l'infini
    servage de la femme, quand elle vivra pour elle
    et par elle, l'homme, jusqu'ici abominable,
    lui ayant donné son renvoi, elle sera poète, elle
    aussi ! La femme trouvera de l'inconnu ! Ses
    mondes d'idées différeront-ils des nôtres ?
    Elle trouvera des choses étranges, insondables,
    repoussantes, délicieuses nous les prendrons,
    nous les comprendrons.
  • En attendant, demandons aux poètes du
    nouveau, idées et formes. Tous les habiles
    croiraient bientôt avoir satisfait à cette
    demande. Ce n'est pas cela !
  •       

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Rimbaud un itinéraire dans la langue (6) Le
Voyant (Lettre à Paul Demeny, lAlbum Zutique,
Derniers vers)
Lettre du 15 mai à P. Demeny
  • Les premiers romantiques ont été voyants sans
    trop bien s'en rendre compte la culture de
    leurs âmes s'est commencée aux accidents
    locomotives abandonnées, mais brûlantes, que
    prennent quelque temps les rails. Lamartine est
    quelquefois voyant, mais étranglé par la forme
    vieille. Hugo, trop cabochard, a bien du VU
    dans les derniers volumes Les Misérables sont
    un vrai poème. J'ai Les Châtiments sous la main
    Stella donne à peu près la mesure de la vue de
    Hugo. Trop de Belmontet et de Lamennais, de
    Jéhovahs et de colonnes, vieilles énormités
    crevées.

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Rimbaud un itinéraire dans la langue (6) Le
Voyant (Lettre à Paul Demeny, lAlbum Zutique,
Derniers vers)
Lettre du 15 mai à P. Demeny
  • Musset est quatorze fois exécrable pour nous,
    générations douloureuses et prises de visions,
    que sa paresse d'ange a insultées ! Ô ! les
    contes et les proverbes fadasses ! ô les nuits !
    ô Rolla, ô Namouna, ô la Coupe ! Tout est
    français, c'est-à-dire haïssable au suprême degré
    français, pas parisien ! Encore une uvre de
    cet odieux génie qui a inspiré Rabelais,
    Voltaire, Jean La Fontaine, commenté par M. Taine
    ! Printanier, l'esprit Musset ! Charmant, son
    amour ! En voilà, de la peinture à l'émail, de la
    poésie solide ! On savourera longtemps la poésie
    française, mais en France. Tout garçon épicier
    est en mesure de débobiner une apostrophe
    Rollaque tout séminariste en porte les cinq
    cents rimes dans le secret d'un carnet. À quinze
    ans, ces élans de passion mettent les jeunes en
    rut à seize ans, ils se contentent déjà de les
    réciter avec cur à dix-huit ans, à dix-sept
    même, tout collégien qui a le moyen, fait le
    Rolla, écrit un Rolla ! Quelques-uns en meurent
    peut-être encore. Musset n'a rien su faire il
    avait des visions derrière la gaze des rideaux
    il a fermé les yeux. Français, panadif, traîné de
    l'estaminet au pupitre de collège, le beau mort
    est mort, et, désormais, ne nous donnons même
    plus la peine de le réveiller par nos
    abominations !

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Rimbaud un itinéraire dans la langue (6) Le
Voyant (Lettre à Paul Demeny, lAlbum Zutique,
Derniers vers)
Lettre du 15 mai à P. Demeny
  • Les seconds romantiques sont très voyants Th.
    Gautier, Lec. de Lisle, Th. de Banville. Mais
    inspecter l'invisible et entendre l'inouï étant
    autre chose que reprendre l'esprit des choses
    mortes, Baudelaire est le premier voyant, roi des
    poètes, un vrai Dieu. Encore a-t-il vécu dans un
    milieu trop artiste et la forme si vantée en
    lui est mesquine les inventions d'inconnu
    réclament des formes nouvelles.
  • Rompue aux formes vieilles, parmi les
    innocents, A. Renaud, a fait son Rolla, L.
    Grandet a fait son Rolla Les gaulois et les
    Musset, G. Lafenestre, Coran, Cl. Popelin,
    Soulary, L. Salles Les écoliers, Marc, Aicard,
    Theuriet les morts et les imbéciles, Autran,
    Barbier, L. Pichat, Lemoyne, les Deschamps, les
    Desessarts Les journalistes, L. Cladel, Robert
    Luzarches, X. de Ricard les fantaisistes, C.
    Mendès les bohèmes les femmes les talents,
    Léon Dierx, Sully-Prudhomme, Coppée, la
    nouvelle école, dite parnassienne, a deux
    voyants, Albert Mérat et Paul Verlaine, un vrai
    poète. Voilà. Ainsi je travaille à me rendre
    voyant. Et finissons par un chant pieux.
  • Accroupissements

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Rimbaud un itinéraire dans la langue (6) Le
Voyant (Lettre à Paul Demeny, lAlbum Zutique,
Derniers vers)
Commentaire de la Lettre À Demeny (1)
  • Rimbaud condamne dune manière uniforme la
    structure poétique qui a dominé, depuis la Grèce
    antique jusquà lexpression de deux générations
    de romantiques (pour lesquels lattaque est plus
    nuancée).
  • Le principe de ces vieilleries poétiques est
    clairement énoncé cest celui du chant, qui
    domine le jeu poétique et qui a, peu à peu,
    transformé lexpression poétique en une activité
    sclérosée.
  • Mais Rimbaud laisse entendre que lon na pas
    bien jugé les deux termes de cet avachissement
    lHarmonie grecque, la belle totalité que vante
    Hegel dans ses Leçons desthétique, et le
    caractère voyant de certains romantiques tels
    Hugo (même sil est cabochard) ou Lamartine (même
    sil est geignard) montrent bien que le jugement
    de Rimbaud porte sur le fonctionnariat du chant
    tel quil sinstitutionnalise dans la chanson de
    Roland, dans lexactitude des vers de Racine ou
    dans certains dévoiements de la poésie romantique
    elle-même. Mais Rimbaud, tout en rejetant cet
    héritage, ne le révoque pas en bloc, et on peut
    aussi bien montrer ce que sa propre théorie de la
    voyance poétique doit aux définitions de lart
    poétique construit par ceux dont il semble ici
    instruire le procès.
  • La poésie de Rimbaud, même dans ses moments les
    plus déjantés en apparence, demeure une poésie
    dérudition.

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Rimbaud un itinéraire dans la langue (6) Le
Voyant (Lettre à Paul Demeny, lAlbum Zutique,
Derniers vers)
Commentaire de la Lettre À Demeny (2)
  • Cest moins le principe de la poésie grecque (le
    vers rythme laction) que sa répétition stérile
    qui est lobjet de la raillerie.
  • Ce qui se donnait dans la Lettre à Izambard comme
    une opposition entre le poème subjectif (la lyre)
    et le poème objectif, devient ici un rapport
    différent du poème lui-même à ce qui lagit ou
    lui donne son impulsion propre le poème est
    centré sur lui-même, il est laction, ce qui
    suppose une certaine méthode, abomniable, dont
    lenjeu principal consiste à produire un état
    particulier du corps
  • Le poète est a-moral, il est, certes  voleur de
    feu , prométhéen, mais il est aussi ce
    comprachico qui, ainsi que cela est décrit dans
    lHomme qui rit de Victor Hugo, est un voleur
    denfant qui mutile à dessein ceux quil enchaîne
    ainsi à une vie de misère et de mendicité.
  • La proposition  Je est un autre  se trouve
    associée cette fois non pas au bois et au violon,
    mais au cuivre fait clairon la condition de
    poète, qui est simplement la faculté,
    indépendante de toute volonté, de devenir par son
    corps linstrument parfait, est un don, celui que
    la nature accorde aux prophètes ou aux mages. Et
    cest bien ainsi quil faut entendre cette image
    souvent galvaudée du poète-prophète elle
    exprime assez lidée selon laquelle la poésie est
    un don naturel qui nécessite moins un travail des
    mots quune attention permanente aux failles du
    Moi par où sourd un chant qui ne rythme plus
    laction, mais qui est laction elle-même le
    poème.

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Rimbaud un itinéraire dans la langue (6) Le
Voyant (Lettre à Paul Demeny, lAlbum Zutique,
Derniers vers)
Commentaire de la Lettre À Demeny (3)
  •  Il faut se faire voyant . Quel est le contenu
    de cette impérieuse nécessité? Lentreprise est
    une expérience, presque une expérimentation
  •   Toutes les formes d'amour, de souffrance, de
    folie il cherche lui-même, il épuise en lui
    tous les poisons, pour n'en garder que les
    quintessences. Ineffable torture où il a besoin
    de toute la foi, de toute la force surhumaine, où
    il devient entre tous le grand malade, le grand
    criminel, le grand maudit, et le suprême Savant
    !
  • La folie, qui sera le terme décisif dUne saison
    en enfer, et qui qualifiera, mais au singulier,
    lentreprise poétique, provoque lexpérimentation
    que devient lacte poétique, et on voit ici se
    rejoindre lextrême dépravation morale, et la
    sagesse qui, tout comme la beauté, nest
    accessible que par un lent émiettement de la
    prétention du sujet pensant.
  • On pourrait montrer aisément que cette collusion
    de lirrationnel pur et de la désignation du but
    recherché par les moyens rationnels de la
    philosophie constitue une réponse
    anti-cartésienne à la question de la sagesse
    Rimbaud est ici encore une fois dans un exercice
    de style plutôt que dans le récit de lune de ses
    folies.
  • On serait bien en peine de trouver chez Rimbaud
    la transcription poétique dune véritable
    pratique de la méthode du voyant. A sa place,
    nous assistons à un la naissance dune poésie
    polémiste et pamphlétaire qui annonce la période
    parisienne de lAlbum zutique et des Vers
    nouveaux (ou Derniers vers).

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Commentaire de la Lettre À Demeny (4)
  • Cette page est un concentré de clichés
    rimbaldiens
  •  Trouver une langue . Cest ici que se précise
    le rapport du poète à sa langue ou à la langue en
    général. Limage de lAcadémie-repoussoir nous
    permet dapprécier le type dalphabet dont le
    poète devrait être lauteur, celui de Voyelles
    bien évidemment, cest-à-dire celui qui assume
    pleinement lillogisme ou linforme dune
    succession conventionnelle de lettres qui,
    combinées, produisent soit la vieillerie
    poétique, soit une musique toute nouvelle qui
    renonce à décrire.
  • Il faut insister sur le point de vue naturaliste
    que Rimbaud prend ici   Dès qu'il la sait, il
    doit la cultiver, cela semble simple en tout
    cerveau s'accomplit un développement naturel.
    Lâme, celle quil faut domestiquer afin de lui
    assurer la plénitude de ses moyens, nest pas une
    entité chimérique, elle nest dans le processus
    poétique que le prolongement dun corps. Rimbaud
    emploie, pour qualifier cette langue qui est de
    lâme pour lâme (un jeu de sonorités qui
    rappelle lart pour lart), des termes qui ne
    sont pas sans rappeler la théorie des
    correspondances de Baudelaire ( les parfums, les
    couleurs et les sons se répondent ).
  • Cette inscription dans le corps, par lexercice
    et par la mémoire, est ce qui permet dassurer à
    lâme un contenu ici fort différent de celui qui
    lui est donné dans le spiritualisme qui gémit et
    qui confond le Moi davec sa mise en scène
    dramatique à la façon du drame romantique honni.
  • Contre le spiritualisme qui pleure, Rimbaud
    sattache à ce quil nommait  objectivité  et
    qui est désormais  matérialisme .

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Rimbaud un itinéraire dans la langue (6) Le
Voyant (Lettre à Paul Demeny, lAlbum Zutique,
Derniers vers)
Commentaire de la Lettre À Demeny (5)
  • Baudelaire, roi des poètes? Rimbaud fait résonner
    ses propres méthodes avec celles du seul poète
    qui trouvera presque intégralement grâce à ses
    yeux.
  • Comment en particulier ne pas reconnaître dans
    cet  inconnu  quil faut expérimenter, cet
    inouï quil faut entendre et cet invisible quil
    faut contempler, comment ne pas y voir lacte
    final des Fleurs du mal où Baudelaire interpelle
    la mort?
  • Le Voyage
  • O Mort, vieux capitaine, il est temps! levons
    l'ancre!
  • Ce pays nous ennuie, ô Mort! Appareillons!
  • Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre,
  • Nos curs que tu connais sont remplis de rayons!
  • Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte!
  • Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
  • Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel,
    qu'importe?
  • Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau!

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Rimbaud un itinéraire dans la langue (6) Le
Voyant (Lettre à Paul Demeny, lAlbum Zutique,
Derniers vers)
  • Ce qui retient lattention, en comparant les deux
    Lettres, cest le caractère très conventionnel de
    celle-ci. Rimbaud modifie à lintention de Paul
    Demeny, qui est un acteur littéraire de quelque
    importance, la tonalité de sa révolte supposée.
  • Tout est convenu, tout est érudit, même les
    envolées, hormis la tirade sur Musset, sont
    contrôlées de telle sorte quelles peuvent passe
    pour des accès de fureur poétique plutôt que pour
    du mépris.
  • Comment pourrait-on qualifier la théorie poétique
    associée à la voyance? Rimbaud emprunte beaucoup
    à deux auteurs dont il apprécie à différents
    degrés la vue. Hugo, Baudelaire, tout en donnant
    dans des formes poétiques dont Rimbaud, pas
    encore 17 ans, critique le caractère imparfait,
    ont fixé deux éléments essentiels de lart
    poétique nouveau
  • -dune part, en mêlant les perceptions et en les
    faisant correspondre, à la manière de Swedenborg,
    Baudelaire a su manifester ce que peut la langue
    lorsquelle est moins attentive à lordre logique
    des attributs quà lharmonie spontanée que le
    choc sensoriel peut produire. Baudelaire fait de
    linconnu lobjet dune connaissance poétique et
    en cela il est véritablement poète.
  • -dautre part, Hugo manifeste lui aussi cette
    capacité particulière mais il laisse encore le
    rythme guider laction. Par ailleurs, cest Hugo
    qui fait du poète un Mage.

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Rimbaud un itinéraire dans la langue (6) Le
Voyant (Lettre à Paul Demeny, lAlbum Zutique,
Derniers vers)
  • Sans quil soit possible dauthentifier la date
    de tous ces textes, il semble que le premier
    encanaillement parisien de Rimbaud ait consisté
    dans la recherche permanente de la raillerie
    opposée au vieux style. Les poèmes ainsi réunis
    lont été dans lAlbum Zutique, du nom du cercle
    poétique auquel Rimbaud a activement participé
    entre octobre 1871 et le printemps 1872.
  • Au programme, des parodies de Dierx, Mérat,
    Coppée, qui oscillent entre lhommage bourru
    (sagissant de Mérat) et le mépris à peine voilé.
  • Le thème de la licence poétique se renverse dans
    une perte de toute licence morale, la poésie,
    pour être objective et répondre aux intentions de
    mai 1871, doit en effet avant tout se libérer du
    conformisme imposé par la société très cynique
    que Rimbaud trouve à Paris.
  • De fait, à côté des éléments parodiques, nous
    retrouvons des pièces marquées par la description
    des activités basses du corps (parfois les deux
    vont ensemble cf. Le sonnet du trou du cul qui
    singe  lIdole  de Mérat), mais on est loin
    cette fois des poèmes potaches de Charleville
    il y a une sorte délévation dans la bassesse.

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Rimbaud un itinéraire dans la langue (6) Le
Voyant (Lettre à Paul Demeny, lAlbum Zutique,
Derniers vers)
  •   Les Lèvres closes            
  • Vu à Rome
  • Couverte d'emblèmes chrétiens,
  • Une cassette écarlatine
  • Où sèchent des nez fort anciens
  • Nez d'ascètes de Thébaïde,
  • Nez de chanoines du Saint Graal
  • Où se figea la nuit livide,
  • Et l'ancien plain-chant sépulcral.
  • Dans leur sécheresse mystique,
  • Tous les matins, on introduit
  • De l'immondice schismatique
  • Qu'en poudre fine on a réduit.
  • Léon Dierx
  • A.R.

Soupir des mers impérissable, Qui sur le sable,
Dans l'écume et dans les flots bleus Pousses
l'amas des coquillages Flux onduleux Des
lourdes lames vers les plages ! Air plaintif
d'instruments en choeur Qui prends le coeur,
Et, traversant la symphonie, Viens ou pars,
sonore ou noyé Dans l'harmonie, Et renais sourd
ou déployé ! L. Dierx,  Les rythmes 
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Colombine (extrait) Léandre le sot, Pierrot qui
d'un saut De puce Franchit le
buisson, Cassandre sous son
Capuce, Arlequin aussi, Cet aigrefin si
Fantasque Aux costumes fous, Ses yeux luisants
sous Son masque, - Do, mi, sol, mi, fa,
- Tout ce monde va, Rit, chante Et danse
devant Une belle enfant Méchante Dont les
yeux pervers Comme les yeux verts Des
chattes Gardent ses appas Et disent " A bas
Les pattes! "
  •   Fête galante
  • Rêveur, Scapin
  • Gratte un lapin
  • Sous sa capote.
  • Colombina,
  • Que l'on pina !
  • Do, mi, tapote
  • L'il du lapin
  • Qui tôt, tapin,
  • Est en ribote...
  • Paul Verlaine
  • A.R.

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Rimbaud un itinéraire dans la langue (6) Le
Voyant (Lettre à Paul Demeny, lAlbum Zutique,
Derniers vers)
  • Mais la dépravation systématique et la gaudriole
    ne font pas la totalité de la création poétique
    de Rimbaud à cette époque.
  • Rimbaud sexerce, dans un recueil que lon nomme
    soit Derniers vers, soit les Vers nouveaux, à des
    scansions différentes, qui prennent lidée de
    révolution poétique plus directement du côté de
    la technique et de la musicalité.
  • Ces poèmes, qui sont écrits entre 1872, au
    printemps, et 1873, assurent pour le commentateur
    la liaison entre la période zutiste et les écrits
    plus profonds dUne saison en enfer.
  • Dans la Chanson de la plus haute tour, Rimbaud
    sessaie au pentasyllabe qui était aussi employé
    par Baudelaire (Linvitation au voyage) et il
    transcrit dans cette forme poétique qui nest pas
    très courante chez lui les limites mêmes du
    carcan poétique traditionnel. Dans la même veine,
    lEternité joue des effets contrastés du
    désespoir porté par le contenu, et de la sérénité
    qui est posée par la forme. Le vers court
    accomplit une suspension du temps qui introduit à
    limage cosmique que forme le poème, sans aucune
    trace dironie ou de rage révoltée.
  • Les corbeaux, publiés dans La Renaissance
    littéraire et artistique du 14 septembre 1872,
    ressemble à bien des égards à ce que Rimbaud
    écrivait avant darriver à Paris, leffet décho
    est marqué par le classicisme de loctosyllabe
    tout autant que par la thématique, celle de la
    guerre perdue, de la désolation et de la
    morbidité dont la nature est capable.

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Rimbaud un itinéraire dans la langue (6) Le
Voyant (Lettre à Paul Demeny, lAlbum Zutique,
Derniers vers)
Chanson de la plus haute Tour Oisive jeunesse À
tout asservie, Par délicatesse J'ai perdu ma
vie. Ah ! que le temps vienne Où les curs
s'éprennent. Je me suis dit laisse, Et qu'on
ne te voie Et sans la promesse De plus hautes
joies. Que rien ne t'arrête Auguste retraite.
J'ai tant fait patience Qu'à jamais j'oublie
Craintes et souffrances Aux cieux sont
parties. Et la soif malsaine Obscurcit mes
veines. Ainsi la Prairie À l'oubli
livrée, Grandie, et fleurie D'encens et
d'ivraies, Au bourdon farouche De cent sales
mouches.
Ah ! Mille veuvages De la si pauvre âme Qui n'a
que l'image De la Notre-Dame! Est-ce que l'on
prie La Vierge Marie ? Oisive jeunesse À tout
asservie Par délicatesse J'ai perdu ma vie. Ah!
que le temps vienne Où les curs s'éprennent !
23
Éternité Elle est retrouvée. Quoi ?
L'éternité. C'est la mer allée Avec le soleil.
Âme sentinelle, Murmurons l'aveu De la nuit si
nulle Et du jour en feu. Des humains
suffrages, Des communs élans, Donc tu te dégages
Tu voles selon... Jamais l'espérance, Pas
d'orietur, Science avec patience... Le supplice
est sûr. De votre ardeur seule Braises de
satin, Le Devoir s'exhale Sans qu'on dise
enfin. Elle est retrouvée. Quoi ?
L'éternité. C'est la mer allée Avec le soleil.
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Les Corbeaux Seigneur, quand froide est la
prairie, Quand dans les hameaux abattus, Les
longs angelus se sont tus... Sur la nature
défleurie Faites s'abattre des grands cieux Les
chers corbeaux délicieux. Armée étrange aux
cris sévères, Les vents froids attaquent vos nids
! Vous, le long des fleuves jaunis, Sur les
routes aux vieux calvaires, Sur les fossés et sur
les trous Dispersez-vous, ralliez- vous ! Par
milliers, sur les champs de France, Où dorment
des morts d'avant-hier, Tournoyez, n'est-ce pas,
l'hiver, Pour que chaque passant repense ! Sois
donc le crieur du devoir, Ô notre funèbre oiseau
noir ! Mais, saints du ciel, en haut du
chêne, Mât perdu dans le soir charmé, Laissez les
fauvettes de mai Pour ceux qu'au fond du bois
enchaîne, Dans l'herbe d'où l'on ne peut fuir, La
défaite sans avenir.
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Rimbaud un itinéraire dans la langue (6) Le
Voyant (Lettre à Paul Demeny, lAlbum Zutique,
Derniers vers)
Emile Blémont
Jean Aicard
Pierre Elzéar
Camille Pelletan
Léon Valade
Ernest d'Hervilly
Rimbaud
Verlaine
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Rimbaud un itinéraire dans la langue (6) Le
Voyant (Lettre à Paul Demeny, lAlbum Zutique,
Derniers vers)
Rimbaud vers des horizons inconnus, E. Delahaye,
1876
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Rimbaud un itinéraire dans la langue (6) Le
Voyant (Lettre à Paul Demeny, lAlbum Zutique,
Derniers vers)
Alfred de Musset, Rolla I Regrettez-vous le
temps où le ciel sur la terre Marchait et
respirait dans un peuple de dieux Où Vénus
Astarté, fille de l'onde amère, Secouait, vierge
encor, les larmes de sa mère, Et fécondait le
monde en tordant ses cheveux ? Regrettez-vous le
temps où les Nymphes lascives Ondoyaient au
soleil parmi les fleurs des eaux, Et d'un éclat
de rire agacaient sur les rives Les Faunes
indolents couchés dans les roseaux? Où les
sources tremblaient des baisers de Narcisse
? (...)
Eh bien ! qu'il soit permis d'en baiser la
poussière . Au moins crédule enfant de ce siècle
sans foi, Et de pleurer, Ô Christ! sur cette
froide terre Qui vivait de ta mort, et qui mourra
sans toi ! Ohl maintenant, mon Dieu, qui lui
rendra la vie? Du plus pur de ton sang tu l'avais
rajeunie Jésus, ce que tu fis, qui jamais le
fera? Nous, vieillards nés d'hier, qui nous
rajeunira?
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Rimbaud un itinéraire dans la langue (6) Le
Voyant (Lettre à Paul Demeny, lAlbum Zutique,
Derniers vers)
  • V. Hugo, Stella, Les Châtiments
  • ()
  • Je m'étais endormi la nuit près de la grève.
  • Un vent frais m'éveilla, je sortis de mon rêve,
  • J'ouvris les yeux, je vis l'étoile du matin.
  • Elle resplendissait au fond du ciel lointain
  • Dans une blancheur molle, infinie et charmante.
  • Aquilon s'enfuyait emportant la tourmente.
  • L'astre éclatant changeait la nuée en duvet.
  • C'était une clarté qui pensait, qui vivait
  • Elle apaisait l'écueil où la vague déferle
  • On croyait voir une âme à travers une perle.
  • Il faisait nuit encor, l'ombre régnait en vain,
  • Le ciel s'illuminait d'un sourire divin.
  • ()
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